Le Poids de la Mésange
Triptyque, novembre 2023
Terre de récolte crue, vidéo 4’17, poème pour performance orale

Le Poids de la Mésange, Triptyque part.1, Série de 5 sculptures, n° 4 : Mésange bleue
À la recherche de formes qui reprendraient la sensation d’un oiseau au creux de la main, Le Poids de la Mésange est une pièce en triptyque composée d’une série de 5 sculptures, d’une vidéo réalisée à deux mains et d’un poème pour interprétation orale.
Cette série de cinq sculptures reprend, pour chacune d’entre-elles le poids d’une espèce de mésange — de celles que l’on peut voir le plus couramment en France du fait de leur grande aire de répartition. Entre 10 et 21g les Mésanges huppés, nonnettes, noires, charbonnières et bleues apparaissent à travers de fines masses argileuses.
L’argile, par sa porosité naturelle, possède cette qualité singulière de pouvoir contenir ou relâcher des taux d’humidité élevés. Cette propriété permet de figer sa fluidité en une masse apparemment fragile. Ces variations de consistance s’accompagnent d’une modification du volume et de la masse de l’objet. Au contact de l’air, l’argile se rétracte, se compacte, perd en humidité et atteint progressivement une forme stable.
Dans Le Poids de la Mésange, ce processus est convoqué pour lier un geste de modelage à un geste d’équation : Pour atteindre, par exemple, les 21 grammes de la Mésange charbonnière, il faut façonner 24g d’argile meuble. Une fois rendu à l’air, l’argile perd environ 12,5 % de son humidité, évacuant dans un même élan, les quelques grammes qui la séparait du poids de l’oiseau.
24g – 12,5 % d’humidité = 21g de la Mésange charbonnière.
à la recherche des 21 grammes d’une Mésange charbonnière ,
cette infime partie du monde que j’espérais déposer au creux de ma main ,
j’enfonçais les rides de mes paumes, dans celles de la terre ;
cherchant à y renouer mes doigts ;
à en extraire une once ;
me permettant
[ une fois dénuée d’eau ]
de me rapprocher de la masse de l’oiseau
l’once
[ cette unité de mesure dont la valeur est comprise entre 24 et 33 grammes ]
cette si petite quantité de choses, qui pourtant,
dépend de l’inertie de notre système Terre, se découpait en scrupules,
sous mes doigts
pour en extraire le soupçon, je tirais à moi quelques pincées d’argile
sitôt cette once d’argile, ces 24 grammes, rendus à l’air,
ils pouvaient évacuer, en un mouvement de rétractation,
les quelques scrupules d’eau qui l’éloignait du poids de l’oiseau
le scrupule
[ cette autre unité de mesure qui équivaut à 1 gramme ]
s’évaporait lentement de ce morceau de peau extirpé à la Terre
24 grammes
[ une once ]
moins 12.5% d’humidité
[ quelques scrupules ]
est égale aux 21 grammes de la Mésange charbonnière
une fois cette fine membrane,
ni trop compacte, ni trop imperméable,
ainsi réduite à siccité et repliée dans ma main,
je ne pouvais que constater avec quelle grâce vaporeuse
l’oiseau jetait un pont par-dessus les brèches,
les sursauts,
les années
Ce texte a été écrit pour la projection-performée Perspectives Glaciaires et figure
dans l’édition qui l’accompagne.

Le Poids de la Mésange, Triptyque part.1, série de 5 sculptures,
n° 5 : Mésange charbonnière

Le Poids de la Mésange, Triptyque part.1, série de 5 sculptures,
n° 2 : Mésange huppée
Le Poids de la Mésange, Triptyque part.2, Vidéo 4’16, réalisée avec Laure Moulin-Giraud
Dans la partie vidéo de ce triptyque, c’est à travers la densité d’une ombre que l’oiseau se manifeste. L’ombre résiste, glisse, échappe, se transmet d’une main à l’autre. La caméra capte les hésitations du corps : ses mouvements de recul, de tension, de souplesse. Chaque geste cherche à retenir cette densité volatile au creux de la main, à en suivre les contours. Projetée sur les parois de la peau, l’ombre acquiert une épaisseur. Elle se fait dense. Sa présence se fait insistante. Sa masse devient palpable, elle devient le moteur de la manipulation, l’objet même d’une chorégraphie qui cherche la densité des ombres — à la manière d’un oiseau.

Le Poids de la Mésange, Triptyque part.2, Vidéo 4’16, frame 00’42

Le Poids de la Mésange, Triptyque part.2, Vidéo 4’16, frame 01’07

Le Poids de la Mésange, Triptyque part.2, Vidéo 4’16, frame 03’16

Le Poids de la Mésange, Triptyque part.2, Vidéo 4’16, frame 02’23
« sur le sentier qui longe le précipice,
le long du couloir Taillis
— là où la montagne s’incline, une seconde —
il pleut des oiseaux
il pleut des oiseaux comme s’il pleuvait du sens,
des avertissements,
des Dieux
une petite brise m’amène
la douceur piquante d’une plume grisée ;
je lève les yeux
les séries compliquées de fils fractales,
que les nuées de Chocards nouent dans l’air,
m’invitent ; à constater la violence pure des espaces
;
au loin ;
dans la distance, et depuis mes pieds ,
la montagne s’effondre
abrupte,
la roche, ici ,
a violemment été rompue ,
heurtée
;
à-pic, le sol est tombé
;
et aucune de ses roches ;
encore,
ne sourit
;
en vain ;
je fouille le ciel qui se dévoile
— ou se dérobe —
en étendue, à la surface
et dans l’intervalle des déséquilibres de mon corps
,
Il pleut des oiseaux, Poème pour interprétation orale, Le Poids de la Mésange, 22 avril 2024
quand la buée s’amenuise
et que les espaces se creusent
,
alors enfin
,
la fêlure se laisse entrevoir
;
plus rien ne vient rompre avec l’uniformité des masses d’air
qui portent la chaleur des sols
jusqu’en haut des sommets
;
manifeste,
l’oiseau,
dans sa ronde
— dans le frôlement continu de son corps mobile —
déclare l’espace
;
atone,
lui seul,
sait dévoiler l’air
;
je le soulevais avec les yeux,
tant il était léger
;
dans des intervalles de plumes
et de vide,
je sentis son poids,
posé dans l’air
,
répondant des courants qui le portaient,
et soudain,
ne le portaient plus »