Veilleurs des sources,
poésie pour un
écosystème aquatique
Ces dernières années, les catastrophes climatiques en haute montagne se sont intensifiées, remodelant les paysages d’altitude : vidanges soudaines de lacs subglaciaires, crues torrentielles, recul accéléré des glaciers, effondrements rocheux. Chaque année, les températures records provoquent des déséquilibres hydriques majeurs, transformant le relief et menaçant les écosystèmes. Ces phénomènes rappellent la puissance indomptable de l’eau mais aussi la fragilité des biotopes qui en dépendent.
Je souhaite explorer la contradiction inhérente à l’eau en montagne : à la fois source de vie et force destructrice, une puissance colossale, capable de produire de l’énergie et de sculpter des vallées, mais dont l’écosystème aquatique dépend, dans son extrême vulnérabilité.
Dans cette tension entre puissance et fragilité, exploitation et disparition, mon projet « Veilleurs des sources, poésie pour un écosystème aquatique » questionnera ce qui se joue dans ce décalage : comment restituer, par le sensible, cette contradiction entre la force monumentale de la ressource et la précarité des vies qui en dépendent ?
Je m’attacherai à capter les empreintes de l’eau, non pas comme
une matière figée, mais comme un mouvement perpétuel, une
mémoire fluide inscrite dans le paysage. J’aimerais me situer dans
la continuité de ma pièce Écrire l’eau — où la matière lumineuse au contact du torrent révèle une
nouvelle lecture du mouvement. Je chercherai à matérialiser
les flux et transformations de l’eau et
questionnerai leur mutation sous la pression anthropique.
Lecane ludwigii, un rotifère observé dans le lac Acherito (Espagne) en automne 2018 © Dirk Schmeller
Mon travail s’articulera autour de trois axes :
- 1. Captations :
Enregistrements des échos cristallins des cavités glaciaires. Captations photographiques des différents états de l’eau. Étude des rythmes de la réserve hydrique.
- 2. Transpositions :
Traduction photographique des flux de l’eau : Élaboration d’un protocole de décomposition et de recomposition visuelle, où la surface liquide devient — le temps de la photographie — la partition de son propre mouvement. Réalisation d’une série de photographies ou d’un grand format. Conversion des rythmes de la réserve hydrique en signaux lumineux par l’intermédiaire de programmes codés. Retranscription des variations de débit en pulsations visuelles. Réalisation des « Veilleurs » : à partir de terre de récolte issue du territoire, je réaliserai de petites sculptures en céramique — inspirées du peuple invisible des lacs, le microbiome lacustre — qui hébergeront une transcription lumineuse des rythmes de la réserve hydrique collectés.
- 3.Retranscription :
Écriture d’un texte poétique comme archive des mouvements de l’eau, destiné à être performé en parallèle de la diffusion des sons glaciaires captés. Ce projet s’inscrit dans une démarche où le poétique devient un outil de perception, une manière d’enregistrer l’invisible et de donner forme à ce qui se joue entre l’eau et l’humain. L’eau devient alors une archive mouvante, porteuse des cycles passés et témoin des bouleversements à venir.
Cartes des méandres du fleuve Mississippi par Harold Fisk (1944)
Chaque pièce sera réalisée en tirage limité, constituant ainsi une série unique et cohérente. L’économie du projet et les procédés de création s’inscrivent dans la sobriété et le souci du moindre impact écologique, privilégiant des matériaux issus de la collecte, des techniques respectueuses de l’environnement et une production mesurée.